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Bien que ses bienfaits de l’activité physique pour la santé soient largement reconnus, les mécanismes décisionnels jouent un rôle clé dans le fossé persistant entre la connaissance des bénéfices et l’adoption de comportements d’activité physique réguliers. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 80 % des adolescents et adultes ne respectent pas les recommandations minimales en matière d’activité physique, contribuant ainsi à une pandémie mondiale d’inactivité physique. Plusieurs raisons expliquent pourquoi ces bienfaits pour la santé ne suffisent pas à lever les obstacles à l’engagement.
Le fossé entre intention et action : pourquoi persiste-t-il ?
Bien que 93 % des individus en Australie considèrent l’activité physique bénéfique pour la santé, environ la moitié des personnes ne parviennent pas à convertir leurs bonnes intentions en actions concrètes. Aux États-Unis, une étude a révélé qu’en dépit de l’engouement pour les programmes de fitness, seulement 23 % des adultes respectent les recommandations de l’OMS en matière d’activité physique (150 minutes par semaine d’activité physique modérée à intense) (2). Cette situation est particulièrement visible parmi les patients souffrant de maladies chroniques, comme les affections respiratoires, qui ne parviennent pas à maintenir une activité physique régulière après leur programme de réadaptation. Pourquoi, malgré la conscience des bienfaits pour la santé, l’engagement dans l’activité physique reste-t-il faible ?
Les mécanismes décisionnels sont au cœur de cette problématique. La prise de décision est un processus complexe, influencé par des facteurs cognitifs et émotionnels, qui va au-delà de l’évaluation des seuls bénéfices pour la santé.
Pourquoi les bienfaits pour la santé ne suffisent-ils pas ?
La prise de décision, selon les sciences comportementales, implique une évaluation de plusieurs options disponibles. Le choix de faire de l’activité physique ou de rester inactif n’est pas uniquement basé sur les bénéfices à long terme, mais aussi sur la perception immédiate des coûts et des bénéfices. En effet, l’effort nécessaire pour l’activité physique, bien qu’il ait des avantages pour la santé, peut paraître trop élevé par rapport aux plaisirs immédiats de l’inactivité.
Exemple : Le coût perçu de l’activité physique
Une étude menée en 2020 a révélé que 68 % des personnes interrogées percevaient l’effort physique nécessaire pour pratiquer une activité régulière comme un obstacle majeur. De plus, 54 % des adultes ont admis préférer des activités moins exigeantes, comme regarder la télévision, en raison du confort immédiat qu’elles procurent (1).
Fig. 1. Modèle de mécanismes décisionnels entre l’activité physique (AP) et les alternatives sédentaires (SED). Cette figure illustre que lorsque les bénéfices santé sont l’unique motivation, les coûts de l’AP et la valeur attribuée aux activités sédentaires (Vsed) influencent majoritairement la décision. Cependant, en ajoutant des émotions positives (Vaffects) comme motivation, l’équilibre entre AP et SED peut être réajusté, renforçant l’impact des bénéfices santé, modulé par la valeur accordée à la bonne ou mauvaise santé, le risque perçu (prisk) et les bénéfices futurs de l’AP (pbenefit).
Les mécanismes décisionnels sous-jacents
La réduction de l’effort : minimiser l’inconfort immédiat
L’activité physique est souvent perçue comme un effort physique conséquent. Cette perception de « coût » rend l’activité physique moins attrayante par rapport à des activités plus faciles et plaisantes, comme regarder la télévision. Le biais de réduction de l’effort fait partie des mécanismes décisionnels qui influencent le choix de l’inactivité physique au détriment d’une activité plus exigeante.
La réduction du délai : privilégier les récompenses immédiates
Les bénéfices de l’activité physique sont souvent lointains, tandis que les récompenses de la sédentarité sont immédiates. Le cerveau humain, en raison de ses mécanismes décisionnels, privilégie les gratifications instantanées, ce qui rend les bénéfices à long terme de l’activité physique moins motivants. Ces mécanismes décisionnels conduisent ainsi les individus à favoriser des comportements immédiats, comme se détendre, plutôt que de choisir un effort physique dont les avantages ne se révèlent qu’à long terme.
La distorsion des croyances : sous-estimer les conséquences à long terme
Les biais cognitifs, comme la minimisation des risques et la sous-estimation des conséquences négatives de l’inactivité, influencent fortement les mécanismes décisionnels liés aux comportements santé. Beaucoup pensent à tort que l’absence d’activité physique n’aura pas d’impact immédiat sur leur santé. Une enquête de 2021 a révélé que 47 % des personnes sédentaires ne croient pas qu’un manque d’activité physique puisse affecter rapidement leur bien-être, malgré les preuves claires de ses effets sur la santé cardiaque et le métabolisme.
Vers un modèle décisionnel plus complet pour promouvoir l’activité physique
Pour surmonter ces obstacles, il est essentiel d’adopter une approche plus complète. Les stratégies de promotion de l’activité physique doivent aller au-delà de la simple communication des bienfaits pour la santé et intégrer les mécanismes décisionnels qui influencent le comportement humain. Cela pourrait inclure des interventions visant à réduire la perception de l’effort, à rendre l’activité physique plus gratifiante à court terme, ou à repenser les croyances autour de l’inactivité physique.
Une étude menée en 2022 a montré que les interventions en matière d’activité physique les plus efficaces étaient celles qui proposaient des récompenses immédiates et des objectifs clairs et accessibles, permettant ainsi de minimiser les obstacles cognitifs à l’engagement.
Sources :
- Guidelines Review Committee. (2010, 1 janvier). Global recommendations on physical activity for health. https://www.who.int/publications/i/item/9789241599979
- FastStats. (s. d.). Exercise Or Physical Activity. https://www.cdc.gov/nchs/fastats/exercise.htm
- Why people should run after positive affective experiences instead of health benefits. (2024, juillet). Science Directe. Consulté le 6 novembre 2024, à l’adresse https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2095254622001053?via%3Dihub