Le 17 janvier dernier, le comité de suivi de l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2020 sur la santé au travail (ou accord santé au travail) s’est réuni pour la première fois depuis deux ans. Une occasion essentielle pour faire le point sur les avancées de cette réforme censée renforcer la prévention et la santé au travail en France. Si des mesures ambitieuses avaient été adoptées en 2020, force est de constater que leur déploiement reste encore largement insuffisant.
Chiffres clés liés à l’accord santé au travail de 2020
- 17 millions de salariés dans le secteur privé suivis par 4 224 médecins du travail en 2023.
- 150 cellules de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) pour répondre à un besoin largement supérieur.
- 50 % des entreprises en règle avec l’obligation de produire un DUERP.
- 5,2 % des entreprises ayant transmis leur DUERP aux services de santé au travail en 2024.
- Seuls 3 services de santé au travail ont participé à l’enquête Sumer, avec seulement 42 médecins impliqués.
L’accord santé au travail de 2020 : un cadre ambitieux pour la prévention
L’accord santé au travail signé en 2020 entre les partenaires sociaux a introduit des réformes importantes pour améliorer la gestion de la santé des salariés. L’objectif principal était de renforcer la prévention des risques professionnels, de promouvoir la santé mentale et physique au travail, et d’améliorer les conditions de travail à travers des mesures adaptées et ciblées.
Cependant, si les intentions étaient claires, les résultats attendus tardent à se concrétiser.
Une baisse des ressources médicales inquiétante
Des médecins du travail en nombre insuffisant
L’un des points noirs de la mise en œuvre de l’accord santé au travail réside dans la baisse continue des ressources humaines dédiées à la santé au travail. En 2023, on comptait seulement 4 224 médecins du travail pour plus de 17 millions de salariés dans le secteur privé. Cette pénurie de médecins du travail met en péril le bon fonctionnement des services de prévention, notamment les cellules de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP).
Le manque de cellules PDP : un obstacle à la prévention
Malgré la création de ces cellules PDP dans le cadre de l’accord santé au travail, seulement 150 cellules sont actuellement opérationnelles, un nombre insuffisant face aux besoins croissants des entreprises. Selon les statistiques, près de 40 % des inaptitudes professionnelles ne bénéficient pas d’un reclassement, mettant en lumière les limites du dispositif actuel.
Participation insuffisante aux enquêtes de santé au travail
Des données manquantes pour mieux comprendre les risques
Un autre problème majeur réside dans la faible participation des services de santé au travail aux enquêtes épidémiologiques qui permettent de suivre les risques professionnels. L’enquête Sumer, par exemple, n’a impliqué que 3 services de santé au travail, avec seulement 42 médecins participant à la collecte des données en 2024. Cette faible participation empêche d’avoir une vision précise des risques professionnels et des pathologies émergentes.
Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) : un retard persistant
Une obligation non respectée par de nombreuses entreprises
Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) est un élément fondamental de l’accord santé au travail. Pourtant, 50 % des entreprises ne respectent toujours pas l’obligation légale de le produire, en dépit de son caractère obligatoire depuis plus de 20 ans. De plus, selon les données récentes, seules 5,2 % des entreprises ont transmis leur DUERP aux services de santé au travail en 2024, comme l’exige la loi de 2021.
Le rôle limité des services de santé au travail dans l’accompagnement des entreprises
Les services de santé au travail, bien que chargés d’aider les employeurs dans la réalisation du DUERP, ne consacrent que 5 % de leur temps à cette mission de conseil, un chiffre bien en deçà des attentes de l’accord santé au travail.
Paritarisme et gouvernance : des avancées limitées
Un équilibre encore précaire dans la gestion des services
L’accord santé au travail de 2020 visait également à introduire un paritarisme renforcé dans la gestion des services de santé au travail. Toutefois, les syndicats déplorent qu’aucun accord patronal n’ait été signé pour mettre en place un groupe de travail sur ce sujet. En effet, les services restent largement contrôlés par les employeurs, et la répartition des rôles au sein des conseils d’administration n’est pas toujours respectée. Le vice-président et le trésorier devraient être des représentants des salariés, mais ce n’est pas le cas dans toutes les structures, ce qui maintient un déséquilibre entre employeurs et salariés.
Sources :
Légifrance. (s.d.). Convention collective nationale des sociétés d’assistance du 13 avril 2021 (IDCC 1801). Légifrance. https://www.legifrance.gouv.fr/conv_coll/id/KALITEXT000043561903/
Syndicalisme Hebdo. (2025). Une trop lente mise en œuvre de l’accord santé au travail. Syndicalisme Hebdo. https://www.syndicalismehebdo.fr/article/une-trop-lente-mise-en-oeuvre-de-laccord-sante-au-travail